« Un coup d’œil au ciel suffit à me rappeler que je ne suis qu’une petite particule, un minuscule élément d’un univers immense. Cela me donne une perspective différente. » L’artiste florentine Sonia Bukhgalter évoque ainsi avec émotion son amour de la nature. Nous sommes en Lombardie, en Italie, pour découvrir les petites routes et la lumière dorée du lac de Côme. Je suis venue pour un brin de conduite sportive et Sonia, pour l’inspiration. Nous sommes toutes deux prêtes pour l’aventure.
Sonia est réputée pour ses paysages célestes étranges. Elle peint surtout à l’huile sur toile dorée et étudie l’immensité de la nature et la place que nous y occupons. Notre voyage commence dans la ville de Lecco, sur la rive sud-est du lac. En démarrant, Sonia explique qu’elle est une ardente défenseuse de cette technique, car elle a appris la dorure dans l’atelier de sa mère et la peinture à l’huile à la vénérable Libera Accademia di Belle Arti de Florence. « Lorsque la technique devient une seconde nature, je suis libre de m’exprimer. Je ne me focalise plus sur elle, mais sur les sentiments que j’essaie de susciter. »
« On n’entend que le ronronnement lointain d’un hydravion qui dessine des traînées de condensation et les fameux bateaux à moteur en acajou qui sillonnent le lac. »
Je pèse l’idée que, à l’instar d’une bonne technique, un bon design est invisible. La route est difficile. Nous nous faufilons dans des rues très étroites, négocions des virages diaboliques et évitons des piétons téméraires, mais la conduite est si instinctive, les performances du Mazda CX-30 si fluides que mon esprit peut vagabonder vers les nuages. Nous faisons le tour du lac en traversant des tunnels striés de soleil et d’ombre. Les rues élégantes sont bordées de villas couleur crème glacée, aux tons citron et pistache, ombragées par de grands cyprès et ornées de géraniums pourpres.
Sous une lumière changeante, nous faisons de brefs arrêts pour que Sonia fasse des croquis. Les nuages défilent à toute allure et le ciel vif-argent se transforme à chaque seconde. Je lui demande comment elle peut travailler assez vite pour saisir la scène. Elle cite Mark Rothko, un de ses héros : « Une peinture n’est pas l’image d’une expérience, mais elle est l’expérience. » Lorsque Sonia est dans le paysage, elle en capture des fragments, mais elle n’essaie pas de dépeindre littéralement la scène, et recueille plutôt des impressions. Plus tard, dans son atelier, elle interprétera ces références pour réaliser l’œuvre finale.
Au pied du col de l’Agueglio, nous atteignons Varenna. En empruntant des lacets joliment dessinés, nous commençons l’ascension en quête du meilleur point de vue pour installer le chevalet de Sonia. Des motos nous dépassent dans des virages sans visibilité alors que nous slalomons lentement vers le col alpin luxuriant. Nous nous élevons vers le ciel et le mouvement de la voiture devient hypnotique. Bientôt, nous voilà au-dessus des traînes de nuages qui s’accrochent au lac. Dans la voiture, l’ambiance est sereine et conviviale, nous nous émerveillons de la lumière et discutons d’art, de la vie, de l’univers et de tout le reste.
Alors que le soleil décline, nous trouvons l’endroit idéal, une aire d’observation qui offre un panorama sublime. La peinture quartz platine de la voiture brille dans la lumière tamisée du crépuscule tandis que le lac prend vie, embrasé par un ciel d’or rose.
« Les camions dépassent en rugissant les dizaines de cyclistes tenaces qui gravissent la terrible montée. »
Immergée dans son tableau, Sonia dépose sur sa palette des taches brillantes d’huiles de blanc titane, de terre de sienne et de vermillon, qu’elle mélange habilement pour obtenir des couleurs plus délicates. La profondeur de la toile dorée reflète doucement ses mouvements à travers les couches de peinture translucides dans une métamorphose onirique.
Hélas, bien vite la montagne devient violette et les sommets se fondent dans le ciel nocturne. Sonia en a fini pour aujourd’hui, heureuse de ce qu’elle a accompli et impatiente de rentrer à son atelier pour voir quels coloris lui viendront en tête. Nous redescendons lentement la route du col. L’air doux, parfumé au jasmin entre par les fenêtres : nous sommes deux petites particules comblées.
Texte Jenni Doggett / Images Tanveer Badal