Mai Utagawa est conceptrice des couleurs et garnitures Mazda. Mario Hirama est artiste ikebana. Dans la pièce d’angle sobre aux proportions élégantes d’une maison à la structure en poteaux et poutres et aux parois en bois dans les collines de Kobe, au Japon, tous deux évoquent le concept d’espace en créant une composition florale ikebana.
Une lumière douce pénètre jusqu’au centre de la pièce et éclaire le sol couvert de tatami, les portes en papier shoji et les hautes fenêtres qui donnent sur un jardin japonais. Cette designer, qui crée des espaces intérieurs pérennes automobiles, et cet artiste, qui crée des espaces éphémères durant quelques jours, parlent le même langage – celui de la simplicité, de la couleur, de la ligne, de la texture, de la forme, de l’ombre et de la lumière, et du design par élimination.
Leur conversation d’aujourd’hui pourrait être comprise par des personnes de toute culture. Loin d’évoquer une philosophie « réservée au Japon », l’ikebana d’Hirama semble ouvert et universel. Pourtant, tous deux incarnent une sensibilité et un esprit indéniablement japonais.
« J’ai participé à un atelier d’Hirama, dit Utagawa, à une époque où j’étais préoccupée par le thème de la ‘beauté japonaise’ pour un projet d’habitacle de voiture. » Hirama décrit l’ikebana comme le fait de donner vie à un espace qui est vécu de manière unique à chaque instant. Les fleurs, le vase, la base en bois, le fond, les marges et la lumière occupent harmonieusement tout l’espace.
« En découvrant son approche de l’espace, poursuit Utagawa, j’ai mieux compris comment atteindre l’équilibre dans un espace en harmonisant ses matériaux. Par exemple, l’incorporation d’une surface en bois dans l’habitacle d’une voiture qui réagit magnifiquement à la lumière naturelle fluctuante suscite une émotion qui change à chaque instant, comme avec l’ikebana. »
Hirama et Utagawa ont reçu un enseignement différent, mais tous deux ont une grande sensibilité en matière de design. Hirama a étudié auprès d’un professeur d’ikebana pendant six ans avant de prendre son indépendance et de lancer son propre style. Utagawa a étudié la conception de produits à l’université puis, chez Mazda, elle s’est focalisée sur la conception des couleurs. Pour tous deux, la formation a consisté à résoudre un problème de conception après l’autre, par tâtonnement, pendant des années.
Hirama a poursuivi sa démarche, en explorant texture, couleur et espace avec des plantes vivantes, du bois et des céramiques. Le travail d’Utagawa chez Mazda implique également la texture, la couleur et l’espace en coordonnant la décoration intérieure avec le cuir, le tissu et la décoration de surface. « C’est chez Mazda que j’ai appris à apprécier la rigueur, le soin et le souci du détail de l’artisanat japonais. »
Évoquant son dernier atelier avec Hirama, Utagawa déclare : « J’ai été captivée par sa préparation minutieuse de l’espace d’ikebana et par sa rencontre consciente et sensible avec chaque fleur. Cela a ravivé ma propre intention de toujours apporter un tel esprit à mon travail chez Mazda. »
Aujourd’hui, à Kobe, Hirama ne cesse de démontrer ces qualités. Pour se préparer, il enlève tout ce qui se trouve dans la pièce et fait le ménage. Il apporte une plate-forme en bois patiné pour le vase et mesure avec précision l’espace pour veiller à ce qu’il soit parfaitement placé avant de poser méticuleusement ses outils sur un tissu de coton noir plié. « La mise en place méthodique de l’espace rend le travail d’arrangement plus facile et amusant », explique-t-il en balayant à nouveau la pièce.
Utagawa montre à Hirama les matériaux qu’elle a choisis en s’inspirant de ses créations.
Hirama invite Utagawa à l’aider à choisir un vase. « Dans l’ikebana, explique-t-il, le vase est une scène qui met en valeur la brillance des fleurs. Il doit avoir sa propre expression riche. » Ils se décident pour un grand bol noir et le placent de manière asymétrique sur le socle en bois. Hirama suggère de ne choisir que quelques fleurs, en accordant toute leur attention à chacune.
La devise « la force de la simplicité » définit son travail. Après avoir fixé une branche de feuillage vert au vase, Utagawa commence à enlever les feuilles et les tiges qu’elle juge inutiles, ce qui expose la surface de l’eau dans le vase.
Après avoir examiné une demi-douzaine de fleurs blanches, Hirama place sa préférée dans le bol. « Je prends le temps de composer avec soin chaque partie de l’arrangement. La direction de la lumière est importante, et je veux que le spectateur se connecte avec les éléments visibles et invisibles de l’espace. »
Hirama poursuit : « Il y a quelque chose qui dépasse la fleur, quelque chose qui remplit l’espace. Vous pouvez la percevoir, l’imaginer, la ressentir, la sentir. C’est une atmosphère, une sorte de présence. » Après avoir imperceptiblement modifié la position des feuilles, il remet à Utagawa une pompe à eau. Debout, elle complète leur ikebana d’une fine brume semblable à la pluie.
Plus tôt dans la journée, Utagawa avait fait part de sa conviction que le thème de la « beauté japonaise » d’un habitacle de voiture pouvait être vécu « comme un élément chaleureux et confortable du quotidien, comme la préparation d’une délicieuse tasse de thé ». Ou peut-être comme un espace doucement éclairé par des gouttes de pluie sur des fleurs.
Texte Steve Beimel / Photographie Irwin Wong