Village modèle














INSPIRATION

Village modèle

En matière de recyclage, les réalisations de Kamikatsu, une petite ville japonaise qui a transformé notre façon de considérer les déchets, sont devenues un modèle pour les gouvernements, les marques et les consommateurs qui souhaitent un avenir durable.

L’année 2030 sera cruciale pour Mazda. À l’heure où le secteur automobile s’oriente vers une électrification plus poussée, des carburants plus propres et une réduction des déchets, Mazda s’est fixé des objectifs ambitieux pour réduire son impact sur l’environnement. Il s’agit notamment de faire en sorte que 40 % de sa gamme soit électrique d’ici à 2030, de réduire les déchets sur l’ensemble du processus de production et d’atteindre la neutralité carbone sur l’ensemble de ses usines d’ici à 2035.

Plus précisément, ces initiatives visent à économiser l’énergie, à encourager l’utilisation d’énergie renouvelable et à passer aux biocarburants de prochaine génération. Les initiatives de recyclage, telles que la transformation de pare-chocs usagés en matière première – une première mondiale – et l’utilisation de coquilles d’huîtres broyées pour l’habitacle du véhicule concept Mazda Iconic SP, ne sont que quelques exemples des mesures prises par Mazda pour atteindre la neutralité carbone totale d’ici à 2050. Ailleurs, des communautés plus petites sont tout aussi désireuses d’être plus respectueuses de la planète.

Pour voir cela en pratique, nous nous rendons au centre « zéro déchet » de Kamikatsu, un complexe tentaculaire qui, vu du ciel, ressemble à un point d’interrogation géant – un design qui encourage le visiteur à réfléchir à ses propres pratiques de recyclage. Les résidents y apportent papier, plastique, bouteilles et récipients en verre, mais aussi bombes aérosols vides, huile de cuisson usagée, piles, ampoules et chaussures. « Nous trions les déchets en 45 catégories, dont neuf pour les seuls articles en papier », explique Hiroki Tamura, qui est né à Kamikatsu et fait partie de l’équipe de gestion du centre. À côté de chaque conteneur et de chaque étagère, des panneaux expliquent ce que la ville gagne grâce au recyclage ou ce qu’elle dépense pour l’élimination des déchets, et la destination de ces derniers. À l’intérieur, une boîte de collecte annonce une campagne de recyclage des vêtements menée dans toute la préfecture.

« Ce qui est important, c’est que nos activités zéro déchet améliorent le bien-être des résidents. »

En 2019, l’année où commença la collecte des données, Kamikatsu a gagné 1,8 million de yens grâce au recyclage, ce qui a compensé un quart du coût de leur élimination. Il y a plusieurs décennies, les habitants brûlaient leurs déchets dans des fûts métalliques à la maison ou dans les champs. Les gros objets étaient déposés dans une fosse commune et brûlés. En 1997, Kamikatsu a commencé à séparer les déchets des produits recyclables et, l’année suivante, la ville a acheté deux incinérateurs, mettant ainsi fin aux bûchers en plein air. Deux ans plus tard, l’un des incinérateurs a dû être fermé pour dépassement des limites d’émissions de dioxine. Du coup, la ville a décidé d’étendre son programme de recyclage et de collecter plus de fonds alors que sa population diminuait.

Le centre zéro déchet de Kamikatsu est un symbole de l’engagement des habitants en faveur d’un avenir plus vert. Il compte aussi la boutique de seconde main Kuru Kuru, où cinq tonnes de vêtements, de meubles, de jouets, de livres et de vaisselle sont redistribuées gratuitement chaque année. Il y a également une laverie, un centre de formation et un hôtel dont le seul produit à usage unique est le savon : chaque client en coupe un morceau dans un bloc en arrivant.

Pour construire le centre, l’architecte Hiroshi Nakamura s’est appuyé sur les ressources locales : cèdre des forêts environnantes, teintures végétales traditionnelles et objets ménagers mis au rebut. Les 540 fenêtres de tailles et de matériaux différents du bâtiment principal ont été offertes par la communauté et forment un étonnant patchwork. À l’intérieur, un lustre composé de bouteilles en verre renversées orne le plafond et des tessons d’assiettes et de bols en céramique décorent le sol. L’enseigne de l’hôtel est fabriquée avec des outils de ferme, des tuyaux et une roue de vélo. Ses quatre chambres sont dotées de tapis matelassés taillés dans des jeans recyclés.

Kamikatsu a gagné 1,8 million de yens grâce au recyclage des déchets, ce qui a compensé un quart du coût de leur élimination.

Non loin de là, chez Rise & Win Brewing, les mêmes principes sont appliqués à la fabrication de bière artisanale. Depuis 2015, cette brasserie met des produits de la région à son menu. Sa bière de blé weizen est aromatisée à l’écorce de yukoh, un agrume cultivé à Kamikatsu, tandis que sa bière brune contient des patates douces provenant d’exploitations agricoles de la région voisine de Naruto, dont les supermarchés ne veulent pas. L’année dernière, Rise & Win a brassé sa première bière en agriculture régénérative, avec de l’orge cultivée dans les champs aux alentours de Kamikatsu, fertilisés avec une partie des 22 tonnes de déchets de sous-produits émis par la brasserie chaque année. « Même si vous ne savez pas ce qu’est le zéro déchet, en buvant notre bière, vous vous familiarisez avec ce concept tout en contribuant à sauver des produits locaux qui auraient été jetés », explique Aki Ikezoe, le gérant du magasin général de Rise & Win.

L’élimination des déchets est un effort communautaire. Le magasin local Kuru Kuru Kobo collecte les vêtements, y compris les kimonos, et les transforme en animaux en peluche, en coussins et en décorations. En l’absence de taxi,s des chauffeurs bénévoles font la navette entre les résidents et les médecins, et entre les visiteurs et l’aéroport (moyennant paiement). La moitié des résidents ont plus de 65 ans et certains étant incapables de conduire, des agents municipaux et des bénévoles se relaient pour assurer la collecte des ordures ménagères des personnes âgées.

Au Café Polestar, la propriétaire Terumi Azuma fait tout pour réduire les déchets. Lorsqu’elle achète des produits aux agriculteurs, elle exige qu’ils ne soient pas emballés sous plastique. Elle vend de l’huile, des sauces, des épices, des œufs, des produits laitiers et du riz au gramme. Le café n’a jamais proposé d’essuie-mains, de pailles ou de serviettes à usage unique : les clients sont priés d’apporter un essuie-tout. « C’est sans doute une contrainte, dit Azuma. Mais cela les incite à réfléchir à ce que signifie ‘zéro déchet’. »

« On s’initie au concept tout en contribuant à la sauvegarde des produits locaux. »

Aujourd’hui, malgré les difficultés, Kamikatsu n’a pas renoncé à son objectif d’éliminer les déchets, affirme Azuma, qui a siégé au comité chargé de mettre à jour le plan « zéro déchet » de Kamikatsu pour 2030. La ville s’attache désormais à encourager davantage d’entreprises à faciliter le recyclage tout en préservant les traditions locales et en protégeant l’environnement. « Ce qui est important, c’est que nos activités zéro déchet contribuent au bien-être des résidents », conclut Azuma.


Texte Kenji Hall / Images Keisuke Ono, Transit General Office Inc.